Témoignages d’artisans nantais : les répercussions du Covid sur l’activité

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Je ne pense pas me tromper quand je dis que la situation actuelle nous a tous touchés d’une façon ou d’une autre. Malheureusement, on voit encore très peu d’articles à propos des conséquences sur l’artisanat… On côtoie quotidiennement les artisans de la région nantaise, on a eu l’occasion de discuter avec certains membres du réseau Artivisor, et on voulait surtout vous partager ces ressentis, ces retombées. Bonne lecture !

L’annonce du confinement

Le 16 mars 2020, le confinement est annoncé. Pour les artisans du bâtiment, les réactions furent diverses. Certaines entreprises étaient plutôt confiantes car préparées ; Stéphanie de ACM félicite la réactivité de son entreprise de maçonnerie, ACM.  Après une réunion avec les salariés afin de connaître leur souhait de continuer, toute l’équipe a défini des mesures sanitaires et a continué ses chantiers. Pierre*, artisan multi-travaux, était également serein (si l’on peut dire) sur la poursuite de son activité. Etienne*, plombier et chauffagiste, ne fut pas surpris non plus par la nouvelle.

En revanche, d’autres artisans du pays nantais n’ont pas eu la même réaction. “Comment va t-on faire ?” s’est demandé Marie*, menuisière, “C’était compliqué, j’ai sincèrement eu peur” nous confie Elsa*, ébéniste. L’ensemble des projets d’Emilie, architecte d’intérieur et designer, furent à l’arrêt du jour au lendemain.

Côté artisans de l’alimentation, nous pouvons faire la distinction entre les restaurateurs et traiteurs, qui ont dû fermer (ou se mettre à l’emporter), et les autres métiers de bouche tels que les boulangers, cavistes, primeurs, poissonniers, bouchers… Qui ont eu l’occasion de rester ouverts durant ces deux mois. Pour Thibault*, caviste, “le choc fut moins violent”, il a pu ouvrir pendant les deux mois. Même réaction pour Françoise*, gérante d’un commerce alimentaire, qui fut “surprise, puis inquiète à l’idée de connaître le droit d’ouverture”.

Pour Maëlle, créatrice des box culinaires à base de produits locaux La Rayonnantes, après l’abattement, les nouvelles idées fusent. Grosse frayeur également du côté de Séverine, gérante du Chacha Restaurant, qui après quelques jours reçoit un appel du syndicat CHR qui la rassure sur les mesures financières prises par l’état. “Je me suis dit, pas de rentrée d’argent, mais peu de sorties, ce n’est finalement pas si dramatique. Enfin, si ça ne dure pas trois mois” nous dit-elle.

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Séverine et son équipe du Chacha Restaurant

 

Le confinement

A notre deuxième question : “Comment s’est passé le confinement pour vous et votre activité”, on retrouve deux écoles dans les réponses du btp. Les entreprises qui ont pu continuer leur activité sur les chantiers non occupés ou sur des chantiers extérieurs, tels que les maçons, plombiers et artisans multi-travaux. “Nous avons apprécié cette période pendant laquelle la circulation dans Nantes était fluide, sans ralentissement ! Quel gain de temps !” nous dit même Pierre*.

D’un autre côté, les architectes d’intérieur, ébénistes, designers… Qui se retrouvent en manque de certaines fournitures comme Simon*, ou encore qui ont enregistré un ralentissement des devis comme Elsa*. Emilie, quant à elle, s’est orientée “vers des projets plus artistiques” et a ainsi développé une autre facette de son activité design “Un aspect tourné à la fois vers des créations artistiques (Illustration, tableaux, bijoux) et empruntant des techniques liées au design (découpe et gravure laser, impression 3D)”.

Maëlle, la créatrice de Rayonnantes, a elle aussi commencé à développer une nouvelle activité : la livraison de fruits et légumes bios et locaux à domicile, et remporte un joli succès. Horaires modifiés, respect des règles sanitaires… Il a également fallu s’adapter aux nouveaux comportements des clients et à leurs habitudes alimentaires : ouverture le dimanche, moins de propositions côté traiteur (le télétravail n’aidant pas les boulangeries).

Séverine du Chacha Restaurant, a très vite eu envie et besoin de se sentir utile : elle a commencé à cuisiner pour les soignants “Une très belle aventure !” nous dit-elle. En mai, elle a commencé la vente à emporter avec pour résultat un succès mitigé (peur du contact, attente des réouvertures pour manger sur place…), qui fut le même pour ses confrères restaurateurs. 

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Maëlle de La Rayonnantes

Les changements de comportement des clients

Le changement constaté chez les clients le plus cité est “l’entraide”, pour la plupart des artisans de l’alimentation comme Aurélie des Délices de Thouaré. “Beaucoup nous ont dit qu’ils revoyaient leurs priorités, qu’ils voulaient soutenir des restos éthiques comme le nôtre, plutôt que des grosses chaînes. Ça nous a vraiment fait plaisir.” nous dit Séverine du Chacha. Des commentaires vraiment positifs qui font chaud au coeur, et qu’on voit peu dans les médias.

Les artisans du btp ont noté quelques changements : moins d’appels, mise en pause de certains chantiers… Mais pas de modification de comportement notable pour la plupart. En revanche pour Emilie et Elsa*, architectes d’intérieur, designer et ébéniste, les devis s’amenuisent. Les clients “reportent”, “ont fait autrement”, ou “attendent de voir” pour leurs projets.

Les normes sanitaires et les coûts engendrés

Masques, visières, gel hydroalcoolique, plexiglas… Unanimement, ce ne sont pas des coûts énormes, mais ça reste un surplus financier, qui reste essentiel comme nous le dit Stéphanie de ACM “Forcément cela a eu un impact financier, mais on se doit de faire le nécessaire pour la santé de nos salariés”.

Le plus gros coût engendré en revanche fut le carburant utilisé pour les livraisons, pour Maëlle par exemple.

L’activité aujourd’hui

Les réponses sont encore une fois unanimes pour les artisans du btp (menuisier, plombier, maçon…), puisqu’ils ont pu continuer leur activité, ils ne notent aucun grand changement mis à part quelques reports de chantiers.

Ça se passe également très bien du côté certains artisans de l’alimentation qui ont un commerce, les clients sont au rendez-vous et comme dit Aurélie des Délices de Thouaré “Nous sommes en bonne santé, c’est ce qui compte !”.

En revanche pour Maëlle de la Rayonnantes, le déconfinement marque une grande baisse dans les demandes de livraison de fruits et légumes locaux et bios (et pourtant c’est bon dans tous les sens du terme !).

Les espoirs et les envies des artisans nantais

Dans les réponses de nos adhérents, nous retrouvons sans surprise l’espoir d’une reprise de la vie sans le virus, pour le côté économique, mais également pour le confort de tout le monde. Une activité qui reste pérenne fait aussi partie des espoirs cités. Etienne*, plombier, parle aussi d’une possible baisse du nombre de chantiers à partir de 2021 “selon le nombre de faillites dans la région”.

L’espoir aussi pour Maëlle : “J’aimerais que le comportement des clients soit réellement en adéquation avec ce qu’ils ont vaguement souhaité pendant le confinement : plus de consommation locale et artisanale”.

Les peurs et les craintes

“Un retour du confinement”, “une économie en difficulté”, “que la pandémie dure encore tout l’hiver”… Les réponses reçues à cette question se rejoignent pour les artisans nantais que nous avons interviewés. La peur de l’arrêt de son activité est également présente : lorsque l’on a un commerce en centre-ville moins fréquenté qu’à l’habitude, un métier dans le bâtiment qui arrive à la fin des chantiers tel qu’architecte.

La plupart sont unanimes, si nous allons vers un deuxième confinement, alors les répercussions pourraient être plus grandes pour les activités artisanales.

Les pratiques

On a posé la question suivante à nos adhérents : “Imaginons que la situation revienne « à la normale » demain, quelles pratiques allez-vous conserver ?”. Sans surprise, ce sont les mesures sanitaires que les artisans garderont : le gel hydroalcoolique ou le lavage des mains fréquents, le nettoyage plus récurrent… Des mesures déjà appliquées dans l’alimentaire, “donc pas trop de changement pour nous” nous informe Aurélie des Délices de Thouaré.

Le confinement nous a aussi poussés à sortir de notre zone de confort, à revoir ses méthodes de commerce, de communication… Et pour Maëlle de la Rayonnantes, c’est la newsletter par SMS qu’elle compte garder. Une super idée pour son activité. 

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Aurélie, Julien, et leur équipe des Délices de Thouaré

“Au final, pensez-vous que le confinement fut « bénéfique » pour votre activité ?”

Pour Séverine, restauratrice, la réponse est claire “Non”, il en est de même pour Françoise* et son commerce alimentaire en centre-ville. Elle nuance tout de même ses propos “Nous avions une solide trésorerie et avons de nouveaux clients du plein centre de Nantes”.

Les artisans du bâtiment sont mitigés, c’est un “non” pour les retard de chantiers, les devis reportés pour certains et une baisse prévue des demandes dans quelques mois. En revanche, c’est même un “oui” pour d’autres avec des demandes de devis en hausse (surtout dans les métiers tels que menuisier, électricien…). 

On finit sur une belle note avec l’optimisme d’Emilie Deltort “Si l’on considère l’aspect purement financier, je dirais non à coup sûr, mais si l’on prends en compte le développement plus artistique et les projets qui se mettent en place en design produit suite à ça, je dirais que ça y a contribué.”

Nous personnellement, on a confiance en vous tous pour continuer à favoriser l’artisanat et à valoriser le savoir-faire qui nous entoure.

* Certains prénoms ont été modifiés pour une question de confidentialité