C’est au cœur de Rezé, dans une boutique au charme artisanal et au savoir-faire authentique que Nicolas, accompagné de Maria, vous accueillent à la Cordonnerie du 8 mai. Nous avons rendu visite à Nicolas pour en découvrir plus sur son métier de cordonnier, son parcours, ses conseils et bien d’autres !
Peux-tu te présenter ?
Nicolas : Je m’appelle Nicolas Desclos, je suis cordonnier depuis l’âge de quinze ans et propriétaire de la Cordonnerie du 8 mai, située à Rezé depuis le 1er juillet 2016.
Aujourd’hui, de qui es-tu accompagné au sein de la cordonnerie et depuis quand ?
N : Je suis accompagné de Maria qui est là depuis le mois de juillet 2022, suite à une reconversion professionnelle il y a deux ans. Elle a d’abord effectué un premier stage chez moi, puis elle est partie ailleurs et avant de me rejoindre il y a un an et demi pour un temps indéterminé (rires).
Comment es-tu arrivé dans le métier de cordonnier ?
N : C’est lors d’un stage de troisième, au collège, que j’ai découvert le métier de cordonnier. Au début, je voulais être boucher, car j’adorai le boucher en bas de la maison (rires). Il était super sympa, je descendais souvent pour le voir. Mais lors d’un stage dans ce domaine, j’ai été déçu de l’expérience, notamment à cause du gérant. J’ai aussi testé la mécanique, mais c’était un monde qui ne me convenait pas. Finalement, c’est vers la cordonnerie que je me suis tourné. Lors de mon stage, j’ai été accueilli par un très bon maître d’apprentissage, autant humainement que professionnellement. Il m’a beaucoup appris. J’ai alors réalisé mon apprentissage à ses côtés et j’ai ensuite travaillé dans plusieurs cordonneries en Normandie et en Bretagne. C’est en 2007 que je suis arrivé dans la région nantaise et le 1er juillet 2016, j’ai ouvert la Cordonnerie du 8 mai, ici à Rezé.
Comment as-tu choisi le quartier du 8 mai à Rezé ?
N : Je passais très régulièrement dans le quartier à vélo et j’avais repéré le magasin. Ce n’est pas du tout péjoratif, mais la devanture était plutôt vieillotte et il y avait écrit dessus « Paraboot ». Ayant grandi avec Paraboot, cela m’a rendu curieux et j’ai donc poussé les portes de la boutique pour découvrir le monsieur qui travaillait là. On a discuté du métier et il était content de voir un jeune formé au métier. On a sympathisé et j’ai continué de venir le voir de temps en temps. Ça a commencé en 2010… Et en 2015, il m’a appelé pour m’annoncer qu’il partait à la retraite et que, si j’étais intéressé, il vendait la boutique. Même si on en avait déjà parlé tous les deux, sur le moment, je ne savais pas trop. Et finalement, on a effectué toutes les démarches et j’ai racheté le magasin.
Qu’est-ce qui t’anime au quotidien dans le métier de cordonnier à Rezé ?
N : C’est le fait de remettre quelque chose qui est en fin de vie, je dirai, à neuf. Même après vingt ans, c’est ce que j’aime toujours autant dans mon métier.
Si tu devais expliquer ton métier à un enfant, que dirais-tu ?
N : Je leur dirai que je remets en état des chaussures, des pièces en cuir ou en caoutchouc quand il y a un trou par exemple. Je répare des coutures qui ont cédé. Malheureusement, à l’heure actuelle, que ce soit chez les enfants et même chez certains adultes, un cordonnier est perçu comme quelqu’un qui produit des clés. J’ai eu le cas récemment, une maman explique à son enfant « Tu as vu, Nicolas est cordonnier, il fait des clés ! ». Je lui ai donc raconté que, à la base, mon métier consiste à réparer les chaussures.
Aujourd’hui, comment devient-on cordonnier ?
N : On peut devenir cordonnier de plusieurs manières. Soit en suivant un apprentissage et en passant par le cursus traditionnel, à savoir le centre de formation pour apprentis. Soit grâce à la reconversion professionnelle, via un centre de formation pour adultes ou une formation de type AFPA. Les formations sont plus ou moins longues.
« Dans l’idéal, je dirai que le mieux est de commencer jeune. Mais bien sûr, il n’est jamais trop tard pour apprendre. »
Est-ce que vous prenez des stagiaires de troisième ?
N : Oui, ça peut arriver. Mais je ne prends que les jeunes très motivés par l’envie de découvrir le métier, et non pas juste parce qu’ils ont besoin d’une convention de stage. Lorsqu’un jeune vient faire un stage, je lui donne quelques tâches à faire, et je remarque rapidement s’il est motivé ou pas.
Selon toi, quelles sont les qualités requises pour être cordonnier ?
N : Je dirai qu’il faut être manuel, créatif, et surtout être très rigoureux et méticuleux. Et aussi, il faut être bricoleur. Mon maître d’apprentissage me disait que si j’étais bricoleur, j’allais aimer la cordonnerie, car c’est du bricolage avec des matériaux différents de ceux qu’on trouve au quotidien.
Quel conseil donnerais-tu à des personnes qui aimeraient se lancer dans le métier de cordonnier ?
N : Je dirai qu’il faut foncer. Mais n’allez pas trop vite, formez-vous d’abord. Allez faire votre expérience dans différentes cordonneries pour apprendre le métier.
Aujourd’hui, comment s’organisent vos journées ?
N : On arrive très tôt le matin, sans jamais trop savoir à quelle heure on va repartir le soir (rires). C’est très décousu, car cela dépend de ce que les clients nous apportent à réparer. Une chose est sûre, on ne manque pas de boulot.
Est-ce que tu vois une différence entre il y a quelques années et aujourd’hui, où les gens sont plus dans l’optique de réparer plutôt que de racheter ?
N : Jusqu’au mois de septembre, j’aurais dit que non, je ne voyais pas de différence. Mais depuis le mois de septembre, je ne sais pas ce qu’il s’est passé, on n’a jamais autant travaillé. Peut-être que les gens sont plus sensibilisés au réemploi et aux économies.
Aujourd’hui, quels services proposes-tu à la cordonnerie du 8 mai ?
N : Du rêve ! (rires)
Si on parle du côté cordonnerie pure, on réalise tous types de réparations de chaussures, que ce soit pour des baskets, des chaussures de ville, des escarpins, des sandales… On fait aussi de la réparation et de l’entretien de blousons en cuir. On a aussi développé des services et on propose également des clés, des tampons, des gravures, on revend des lacets. On est d’ailleurs l’un des plus gros revendeurs de lacets avec près de 600 références différentes. J’aime aussi me lancer des challenges, et en ce moment, on est à fond sur les chaussons d’escalades. Il y a d’ailleurs près de soixante paires qui sont arrivées et qui attendent d’être réparées. J’ai donc investi dans des machines pour conserver la forme exacte du chausson.
Est-ce qu’il y a des choses que tu aimes moins dans ton métier ?
N : Bien sûr, il y a toujours des choses qu’on aime moins dans un métier. Une chaussure d’escalade qui ne sent pas bon par exemple (rires). Souvent, les gens me disent que les odeurs de pieds doivent être dérangeantes, mais ce n’est pas la majorité de nos chaussures. Sinon, je n’aime pas du tout travailler le crêpe.
Y a-t-il une période de l’année que tu aimes le plus ?
N : Oui, le mois d’août, parce que ce sont les vacances (rires). Mais sinon, c’est au moment de l’inter-saison, c’est-à-dire du mois d’avril au mois de juillet, qu’on prend le plus de plaisir. On a un peu moins de travail à faire pendant cette période, ce qui nous laisse plus de temps pour être avec le client. On est un peu plus cool et plus serein.
De quoi es-tu le plus fier aujourd’hui ?
Je ne suis pas vantard, mais je dirai ma réussite. Je viens d’un milieu défavorisé et personne ne m’a appris à travailler. J’ai découvert par moi-même et j’ai monté mon entreprise, où on est deux maintenant. Je trouve que c’est quand même un beau parcours.
Comment vois-tu ton métier demain ?
N : À l’heure actuelle, j’ai un peu de mal à prendre du recul sur cette question. Autant, je vois des gens motivés qui ont envie de faire les choses bien, mais le problème, c’est que l’on a vite tendance à confondre la cordonnerie artisanale traditionnelle et la cordonnerie marketing où on va vendre un procédé alors que derrière, il n’y a pas vraiment d’expérience et de formation. Et ça, ça me fait peur, car il y a de moins en moins de cordonniers avec de l’expérience.
As-tu une anecdote à nous raconter ?
N : Une fois, on a eu une cliente qui travaillait chez Tipiak, avec qui j’ai plaisanté en disant qu’elle pourrait me ramener des lentilles et… Qui l’a fait le lendemain (rires). Certains nous ramènent des croissants, des chocolats. Ça fait toujours plaisir !
Quel conseil pourrais-tu donner aux lecteurs de l’interview ?
N : Lorsque vous achetez une nouvelle paire de chaussures, quand vous avez un doute, ne regardez pas sur internet. Venez voir votre cordonnier, on saura vous conseiller sur l’entretien et les produits à utiliser.
As-tu un mot pour la fin ?
N : On a un vrai savoir-faire et je pense qu’il faut arrêter de surconsommer. Il faut sortir du système de consommation où on achète toujours moins cher pour acheter plus. Achetez des produits plus chers qui vous dureront plus longtemps !
Ce moment passé aux côtés de Nicolas de la Cordonnerie du 8 mai nous en a appris beaucoup sur les multiples compétences du cordonnier. Doté d’un véritable savoir-faire authentique et artisanal, il s’attache à redonner une seconde vie à vos vêtements, chaussures, sacs et accessoires. Alors, n’hésitez pas à lui rendre visite dans sa boutique située à Rezé !